Dans quelle mesure sommes-nous prêts à partager un patrimoine commun ?

Vous êtes certainement au courant de l’intensité des débats entre nos élus pour savoir quel(s) types(s) de patrimoines doivent être soumis ou non à l’impôt. Autour de ces notions de patrimoines, je vous propose de partager ici trois séries de chiffres. Ils sont issus des rapports rédigés par le CESE, OXFAM et le G20.

Patrimoine financier

Comme chaque année, le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) s’apprête à remettre au Gouvernement et au Parlement son Rapport Annuel sur l’Etat de la France (RAEF). Ce rapport est considéré comme une radiographie de la société française sur les plans sociaux, économiques et environnementaux. Va-t-il modifier l’orientation des débats de notre assemblée nationale ?

Cette année, le titre choisi pour ce rapport était « Egalité des chances : mythe ou réalité ? – Rapport annuel sur l’état de la France 2025 ». La rapporteure était Fabienne Rouchy qui siège au CESE en tant que présidente du groupe de la CGT. Contrairement aux votes souvent mouvementés dans les deux autres chambres de notre république, le CESE, moins connu, en étant la troisième, ce rapport a été approuvé à l’unanimité ce 28 octobre avec 124 voix pour.

inégalité ménage

Les chiffres rassemblés pour ce rapport du CESE mettent en évidence des inégalités criantes. Elles sont de plus en train de s’aggraver. Ainsi les 10% des ménages les plus riches détiennent à eux seuls 60% du patrimoine. Alors que les 50% des ménages les moins bien dotés n’en détiennent que 5% !

évolution fortune ménage

Dans les décennies passées, l’héritage a pris une part croissante dans le patrimoine des ménages. Il est passé de 30% en 1970 à 60% en 2025. On remarque aussi le chiffre de 9.000 milliards qui vont être transmis d’ici 2040, soit sur une période de 15 ans. Cette somme représente plus de 220 fois ce que notre premier ministre cherche à économiser pour limiter l’augmentation de notre dette. L’on pourrait accuser ce chiffre de 9.000 milliards d’être volontairement énorme parce que portant sur 15 ans. Mais une rapide règle de trois sur les 15 années laisse tout de même un montant de transfert de patrimoine de 600 milliards chaque année ! De quoi faire réfléchir sur les leviers fiscaux à activer pour permettre à notre pays de passer le mur de la dette.

L’égalité des chances semble donc plus proche d’un mythe que d’une réalité. Les résultats du sondage commandé par la CESE à l’IPSOS montrent que plus d’une personne sur deux doutent de cette égalité.

Cette inégalité sociale n’est cependant pas la principale préoccupation des français. Elle perd même des points par rapport à 2024. Elle est pratiquement 2 fois moins citée que la situation politique en France, le pouvoir d’achat et la santé.

évolution préoccupations des français

Quelles solutions ?

Le CESE propose heureusement des pistes pour réduire ces inégalités. Il propose d’agir à la fois sur l’éducation, le monde du travail, la transition écologique, les inégalités territoriales et bien entendu le patrimoine, sujet de ce billet. Vous pouvez retrouver le détail de ces propositions dans l’avis du CESE.

Patrimoine naturel

Nous venons de passer en revue les déséquilibres entre les familles qui ont pu construire un patrimoine financier basé souvent sur des jeux de « monopoly » immobiliers ou des empires industriels et celles qui n’ont pas pu le faire. Mais quid de notre comportement par rapport au patrimoine naturel mis à notre disposition par notre planète la Terre.

Des ogres dévorent la planète …

Une bonne façon d’évaluer ces comportements est de se baser sur le CO2 émis. Les chiffres rassemblés par OXFAM dans son rapport sur ce sujet ressemblent étrangement aux déséquilibres en matière de patrimoine financier que nous venons d’évoquer ci-dessus. Au niveau monde, les 10% les plus riches représentent presque la moitié, 48%, du CO2 émis. Les 50% les plus pauvres ne sont responsables que de 8% des émissions de CO2. Si les chiffres du CESE ne concernent que la France et ceux d’OXFAM l’ensemble de la planète, les similitudes entre ces déséquilibres laissent songeur.

OXFAM utilise aussi une image forte en s’appuyant sur les chiffres individuels quotidiens. Aucun homme ne serait capable de porter seul les 800 kilos correspondant à l’émission chaque jour de chacune des personnes les plus riches. Par contre même un jeune enfant peut soulever les 2 kilos de CO2 quotidien des plus pauvres.

… leurs investissements aggravent les choses

Avoir un mode de consommation et de déplacement qui dégrade aussi vite l’état de notre planète est une chose. Mais qu’en est-il des investissements réalisés par ces personnes les plus riches pour protéger et accroître leur fortune ?

Vous avez été surpris par les 800 kilos de CO2 quotidiens induits par la consommation personnelle ? Mais il y a pire ! D’après OXFAM, un milliardaire génère 1,9 million de tonnes de CO₂ par an via ses investissements. Ce qui représente plus de 5.000 tonnes de CO2 par jour ! Car pour être le plus rentables possibles, 60% de ces placements sont réalisés dans des secteurs à fort impact climatique tels que le pétrole ou les mines. Le levier le plus important est donc d’agir pour flécher autrement les placements, dont les effets sont +6.000 plus importants que la consommation personnelle des plus riches.

Il est courant de critiquer les déplacements en jet privé de certains millionnaires. Mais OXFAM a choisi un autre chiffre pour montrer que le vrai souci se trouve au niveau des investissements et pas seulement du comportement personnel. Quel milliardaire passerait son année à faire 10.000 fois le tour du monde dans son jet privé, aussi confortable soit-il ?

Nous rejoignons sur ces problématiques de choix d’investissement plusieurs des remarques émises lors de la table ronde sur les industries vertes organisée à Sciences Po la semaine dernière. Le financement de ces industries moins négatives pour notre planète fait partie des défis à relever.

Le G20 aussi !

Un rapport récent des experts du G20, commandé par la présidence Sud-africaine, tire aussi le signal d’alarme dans le même sens. Les chiffres rassemblés par les experts chapeautés par Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, sont même encore plus graves.

D’après leurs travaux, entre 2000 et 2024, la moitié de la richesse créée a été accaparée par les 1% les plus riches de la population alors que les 50% les plus pauvres n’ont reçu que 1% de cette richesse. Les nouvelles inégalités sont plus importantes sur le patrimoine que sur les revenus.

évolution patrimoine revenu

Ils appellent à la mise en place d’un groupe de travail sur le modèle de GIEC pour combattre ces inégalités qui mettent en danger les démocraties. Ainsi c’est en partie à cause de la défaillance des services publics ou de santé que des mouvements de contestation initiés par des représentants de la « Gen Z » se sont multipliés au Pérou, au Népal, à Madagascar, au Sri Lanka, au Maroc… Le décrochage entre la croissance de la richesse publique et celle de la richesse privé représenté dans ce graphique va-t-il être longtemps soutenable ?

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